Sur l'image ci-dessus, une courtilière ou Taupe grillon est empalée sur un pique de barbelé. C'est le soir à la tombée de la nuit que Dame Grièche fait ses provisions. Si l'on observe d'un peu plus près cet insecte embroché sur ce barbelé, eh bien, on peut observer ses deux grandes pattes fouisseuses, qui lui permettent, en des "temps que je dirais normaux", de creuser ses galeries sous terre (comme le fait une Taupe).
Cette Courtilière appartient à la Famille des Gryllotalpidae, ordre des Orthoptères. Cet insecte est un fouisseur et sa vie se déroule sous terre. Il a une activité très abondante la nuit. Gros mangeur de racines et de tubercules des plantes, il dévore tout ce qui lui passe devant le nez et mange même les vers de terres innombrables dans le secteur. La Courtilière dévore aussi d’innombrables autres larves de tous poils (c'est un insecte omnivore).
Le couple, propriétaire de ce garde-manger, s'est repu allègrement depuis maintenant trois semaines de Hannetons. Aujourd'hui, c'est du Grillon sous toutes ses formes qui est au menu.
Souvent, quand je photographie un lardoir et que la "bête" empalée dessus est encore vivante, je ressens de la cruauté chez cet oiseau, mais je me dis que Dame nature, ne triche pas, et ce qui me paraît comme une "boucherie" n'est en fait, qu'un aparté dans l’immense chaîne alimentaire.
Cette situation est pour le peu insolite! Sur ce lardoir sur un barbelé, à la tourbière du Jolan, dans le Cantal, cette minuscule Epeire diadème, profite de l'opportunité qui lui est offerte par ce Lézard qui vient d'être empalé par Dame Grièche, pour construire son piège journalier.
Le hasard a voulu que je passe à ce moment-là et que les conditions de la scène me soient favorables "photographiquement parlant", j'entends.
Cette minuscule araignée a tissé méthodiquement sa toile d'Orbitèle sans prendre garde à ce que la Pie Grièche écorcheur ne vienne troubler son œuvre. Cette image est, pour moi et pour beaucoup de naturalistes, unique, et a été mise en avant sur une exposition par le Parc Régional du massif des BAUGES.
Non! Vous ne rêvez pas, bien souvent la nature bouleverse nos ressentis et nos valeurs (soit-dit en passant, nous n'avons pas de leçons à donner en ce qui concerne les massacres perpétrés sur certains sites de notre bonne vieille planète), et si, ce que vous voyez vous choque, sachez que la Pie-Grièche empale ses proies sur les barbelés ou épines noires, pour nourrir ses petits, et revient les dépecer régulièrement en faisant des "allers et retours" du lardoir à son nid.
Ce que vous voyez sur les images de cet article s'appelle un "Lardoir", mais aussi un garde-manger.
En vous promenant sur certains sites, comme c'est le cas ici, à la tourbière du JOLAN, dans le Cantal, à la fin d'avril pour les années fastes "au niveau météo", vous pourrez avoir la surprise de constater que certaines épines noires ou tout simplement certains secteurs de clôture de barbelé sont jonchés d'insectes empalés sur leurs piques et épines. Ces insectes sont en général encore vivants et attendent que Dame Grièche, vienne les découper en petits morceaux pour nourrir ses petits. Ces garde-manger ne se situent en général pas très loin de son nid, édifié sur un arbrisseau dans une haie d'épineux.
Son nid, de la taille de celui d'un merle, n'est en général pas très soigné et assez difficile à trouver. Il sera construit à une hauteur pas très élevée dans l'arbre, jusqu'à quatre mètres du sol, environ. Brindilles et parfois plumes, seront nécessaires pour le construire. Il sera construit sur un lieu où l'abondance de nourriture sera de mise, ce qui est le cas ici, sur les abords de la tourbière du JOLAN.
Lardoir sur la tourbière du Jolan-Cantal.
Cet oiseau chasse en plongeant de son perchoir (son affût) et attrape ses victimes en rasant le sol, à environ un mètre de hauteur, mais aussi en vol, ceci afin de mieux surprendre ses malheureuses proies. Il les apportera directement sur son nid et les dégustera sur place. Seul "bémol" les proies en surnombre et de grande taille seront systématiquement empalées sur les épines noires, ou comme celles montrées sur mes images, sur les piques de barbelés, se substituant à l'absence d'épineux sur son secteur de chasse.
Cette manière de procéder à seulement le but de lui permettre de cumuler des garde-manger, en stockant ses victimes à proximité de son habitat. Il lui sera ainsi plus facile de prendre le temps de les dépecer, pour nourrir sa famille composée en général de cinq à six petits. Ses lardoirs seront aussi essentiels pour nourrir la portée en cas d’appauvrissement de la nourriture, en cas d'intempéries et de mauvaises conditions météo.
La pie Grièche est une grande migratrice, ce passereau migrateur arrive chez nous en avril et restera jusqu'à la mi-septembre, selon les conditions météo du moment. Son itinéraire de migration n'est en aucune façon ordinaire. Il est plutôt complexe pour un petit passereau. Selon l'itinéraire pour arriver en France ou repartir pour l'Afrique du Sud, cet itinéraire ne sera pas le même. Dame Grièche arrivera chez nous, en empruntant la partie Orientale de l'Afrique et passera par l'Israël et la Turquie, pour enfin arriver sur nos zones humides et bocagères du Puy de Dôme et du Cantal.
A la mi-septembre, cet oiseau accompagné de ses petits repartira en direction de l'Afrique du Sud, en passant encore une fois par sa côte orientale, mais cette fois en passant, par la Grèce où certains de ses petits feront le bonheur des petits Faucons d'Eléonore. En effet, ceux-ci naissent à la fin de l'été et les hasards des migrations, font que Dame Grièche soit à son tour mise au menu... Ainsi la boucle est bouclée. Les survivants reprendront leur trajectoire de migration, en passant par l’Égypte et enfin, arriveront sur la partie Sud de l'Afrique.
La présence de lardoirs dans un secteur donné est le gage d'un écosystème propre et surtout un indicateur important de la qualité écologique pour un site. La disparition de cet oiseau dans un secteur donné est le gage de la paupérisation de ce milieu. Sa présence est liée à la présence de haies et de buissons d'épineux ou de barbelés, sur lesquels elle pourra empaler ses proies pour constituer ses garde-manger.
La présence de cet oiseau entomophage est aussi la certitude que sur un lieu donné, la confirmation de la présence d'une "entomofaune" est non seulement présente, mais est aussi importante et abondante (critères très importants pour satisfaire la présence d'un lieu de nidification)..
Cet oiseau est protégé par un arrêté ministériel du 17 Avril 1981.
Ces lardoirs au nombre de douze (12), ont été photographiés le 31 décembre 2018 à 14h35 dans le secteur de Vassivières, entre Mortagne et Burandou.
(Observation étonnante, si ont par du principe que cet oiseau a effectué sa migration de retour au plus tard vers la mi-septembre.
Lardoirs secteur de Vassivières le 5 juin 2022 - 17h30 - météo grise - nombre quatre. Observation d'un couple de Pie grièche grise.